Première messe du Triduum

Pèlerinage à Notre Dame d’Auteyrac

A l’occasion du centenaire du couronnement de la statue de Notre Dame d’Auteyrac, l’équipe d’animation pastorale de l’ensemble paroissial N. Dame du Haut-Allier avait décidé de célébrer cet évènement en plusieurs étapes. Les trois jours précédents la fête, une messe a été célébrée à la chapelle du sanctuaire et le samedi soir a eu lieu une procession aux flambeaux. Ces trois temps forts de célébrations ont été suivis par une cinquantaine de personnes à chaque messe et quatre vingts à la procession.

Le dimanche à 10 h 30, la messe présidée par Mgr François Kalist, archevêque de Clermont, a rassemblé 350 fidèles. Ce fut un grand moment de communion dans la prière ; nous avons rendu grâce avec Marie pour toutes les merveilles que le Seigneur fait pour nous, notamment en nous donnant sa Parole et son Pain de Vie.

Que veut dire célébrer le centenaire du couronnement d’une statue de la Vierge ? Nous avons une réponse dans l’homélie que Mgr Kalist a prononcée au cours de la messe.

Célébration

Homélie ND Auteyrac 290821

Nous avons sans doute reconnu les textes que nous venons d’entendre, alors que nous célébrons le centenaire du couronnement de Notre Dame d’Auteyrac. Ce sont les lectures de la nuit de Noël. Ce sont aussi les lectures de la mémoire de Marie Reine, célébrée à l’octave du 15 août, mais occultée cette année parce qu’elle tombait un dimanche. Or, dans l’évangile de l’annonciation, Marie n’est pas présentée comme une « reine, mais comme « une jeune fille de Nazareth », comme « la servante du Seigneur » ! Alors, quel sens donner à notre fête du couronnement ?

A travers une longue tradition liturgique et spirituelle, c’est bien comme une reine que Marie est honorée par l’assemblée des fidèles du Christ. Notre prière et nos cantiques expriment abondamment cette réalité : les litanies de la Sainte Vierge qui honorent celle-ci comme Reine du Ciel, les antiennes mariales Salve regina, Regina caeli, Ave regina caelorum, ainsi que de nombreux cantiques bien actuels, comme celui qui est programmé pour la fin de cette messe : « Nous te saluons ô toi Notre Dame, Marie vierge sainte que drape le soleil ; couronnée d’étoiles, la lune est sous tes pas, en toi nous est donnée l’aurore du salut Dans la prière du chapelet, le cinquième mystère glorieux nous donne encore à méditer le couronnement de la Vierge Marie au Ciel. Le titre même de Notre Dame exprime notre soumission filiale à la mère de Notre Seigneur, qui nous a confiés à elle comme à notre propre mère.

Lorsque nous utilisons le registre royal du couronnement et de la gloire, nous risquons cependant de nous laisser séduire par l’éclat tout extérieur de la « pompe », par l’ampleur des processions, par la richesse des œuvres d’art. Le couronnement lui-même attire l’attention sur un ouvrage d’orfèvrerie qui vient orner le chef d’une statue séculaire, et il devient facile de confondre l’image (surtout lorsqu’elle est prestigieuse et depuis longtemps vénérée) avec la réalité qu’elle représente. Si nous n’en sommes pas dupes, nous risquons au moins d’envoyer un message décalé à nos contemporains, qui n’ont pas ce même recul de la foi. Comment leur partager notre bonheur de croire, s’ils ne perçoivent du culte chrétien qu’un triomphalisme suranné ?

Il nous faut donc être en mesure de rendre compte de ce que nous célébrons aujourd’hui. Nous célébrons un centenaire, et nous l’assumons, nous le revendiquons, dans la différence qu’il instaure avec une culture dominante de l’immédiat, de l’instantané. Car nous sommes des croyants dans une histoire. Disciples de Jésus-Christ, nous serons toujours des héritiers d’une histoire sainte. Notre histoire locale (celle de notre diocèse, de notre paroisse, de notre pèlerinage) s’enracine dans une histoire plus ancienne qui est celle de notre Eglise et du peuple d’Israël, avec son Dieu unique qui est aussi son roi. Nous avons entendu, en première lecture, ce passage du livre d’Isaïe qui résonne dans la nuit de Noël, et qui annonce la naissance d’un enfant, la venue du prince de la paix : « et le pouvoir s’étendra, et la paix sera sans fin pour le trône de David et pour son règne ». L’évangile selon saint Luc s’inspire évidemment de ces paroles. L’ange dit à Marie : « voici que tu vas concevoir et enfanter un fils, tu lui donneras le nom de Jésus ( . . . ) Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père et son règne n’aura pas de fin ».

Chapelle Notre Dame d’Auteyrac

Profondément référée au passé, cette parole est aussi promesse. Comme disciples de Jésus-Christ, nous sommes aussi tournés vers un avenir, en tension vers un au-delà et vers un autrement de la vie. Jésus lui-même annonce sans cesse l’avènement du « royaume » de Dieu, et enseigne à tous ceux qui veulent bien l’entendre le chemin pour y accéder. Il refuse pour lui-même le pouvoir et le faste, mais il assume sa royauté, qui « n’est pas de ce monde ». Et bien plus, il en promet le partage aux petits, aux humbles, à ceux qui aiment et qui servent, à ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent. « Heureux les pauvres de cœur, le royaume des cieux est à eux ». Telle est la première béatitude. Toute la prédication de Jésus anticipe un accomplissement, un dévoilement de sens, lorsque les justes s’entendront dire « venez, les bénis de mon Père, recevez en partage le royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde ».

Si nous pouvons dire de Marie qu’elle est reine, c’est seulement en référence à la royauté de son fils. Pour donner à Marie sa juste place, il faut revenir à l’Ecriture. Que nous enseigne l’évangile ? Ce qui met à part la vierge Marie, c’est la grâce de Dieu. Tout est dit avec la salutation de l’ange : « je te salue, comblée de grâce ». S’il est une quelconque royauté en Marie, c’est là, et là seulement, qu’il nous faut en chercher la source. Marie est, par une grâce insigne, préservée du péché originel et de toutes les conséquences de ce péché. Elle est, par une grâce insigne, rendue participante à la gloire de son fils ressuscité, le roi de gloire, le fils de David établi sur le trône de son père en un règne qui n’aura pas de fin.

Le couronnement de Marie ne peut donc se comprendre en-dehors de sa glorification, de son assomption dans la gloire de son Fils ressuscité, assomption qui se comprend ellemême dans la logique de la conception immaculée de la vierge. C’est bien la grâce de Dieu qui est première, non pas les manifestations triomphantes, à la manière humaine, même si celles-ci peuvent aider à l’expression de notre foi. Marie est reine, parce qu’elle donne naissance au roi de gloire, et parce qu’elle partage déjà son règne éternel. Marie est reine parce qu’elle pleinement les béatitudes, éternellement bienheureuse parce qu’elle a cru aux paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur, bienheureuse parce qu’elle a cru en la promesse accomplie.

Célébrons donc, dans la joie et l’action de grâce, ce centenaire du couronnement de Notre Dame. Un centenaire sans passéisme, un couronnement sans idolâtrie. Il ne s’agit pas de reprendre en boucle les expressions d’autrefois, les litanies, les formules, comme si elles étaient par elles-mêmes promesse d’efficacité salutaire. Ni de multiplier les dévotions et les consécrations qui nous exonèrent d’un engagement personnel. Le pape François insiste sur les fiuits de la dévotion populaire, dans l’ordre de l’amour fraternel. C’est là aussi, c’est là d’abord que nous sommes attendus, avec des mots d’aujourd’hui, des actions pour aujourd’hui. Nous pourrons ce soir méditer davantage sur la foi, l’espérance et la charité de Marie en qui nous trouvons le modèle accompli des vertus chrétiennes. Marie est « reine », et humble servante, Marie est reine parce qu’humble servante. Elle a consenti au projet de Dieu. Elle nous a donné le roi son fils, qui s’est fait humble serviteur de tous, et qui s’est fait offrande pour le sacrifice de la nouvelle alliance.

+ François Kalist

Fidèles au cours de la célèbration
Monseigneur au cours du repas
Monseigneur Kalist
Statue de ND d’Auteyrac